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Le Moyen Âge avant le manoir

La période qui a suivi l'ère gallo-romaine et plus généralement toute la deuxième moitié du premier millénaire de notre ère est une période qui a laissé peu de traces. Peu de traces visuelles et peu de traces écrites.

En effet, à ce jour, nous ne disposons d'aucun élément sur cette période pour les Fougerêts. Il semblerait que la nature aurait même repris ses droits sur ce qu'avaient entrepris les populations antérieures. Nous en parlerons ensuite en abordant le sujet des "éllipses bocagères" que l'on rencontre dans de nombreux territoires dont celui de notre commune.

 

Nous savons qu'à compter du XIème siècle d'importantes châtellenies sont érigées dans le Vannetais dont celle de Rieux (descendants d'Alain le Grand, roi de Bretagne) dont dépendait Les Fougerêts, ce qui commence à structurer la féodalité sur le territoire.

Le XIème siècle est aussi celui où l'on commence à ériger de nombreuses mottes castrales dans notre région, mottes destinées à assurer une protection des personnes et des biens et aussi à asseoir cette féodalité et affirmer sa présence dans le temps et dans l'espace (voir "Mottes et enceintes dans la Seigneurie d'Hennebont XIème-XIIIème" - Nicolas le Badezet).

Nous savons également, et le rapport 02284 du SRA le rappelle, que les Templiers fondèrent au XIIème siècle la plus ancienne préceptorie du Morbihan au Temple en Carentoir qui est une commune limitrophe des Fougerêts et qu'une charte de 1182 mentionne le Temple en Carentoir sous le nom de Karantoé. Après que l'ordre fût dissout au début du XIVème siècle, ses biens furent donnés aux Hospitaliers qui fondèrent alors une commanderie au Temple. Leur empreinte est d'ailleurs bien présente aux Fougerêts puisque les Hospitaliers tenaient une chapelle près du Pont d'Oust situé à un kilomètre de la Cour de Launay. Il ne resterait aujourd'hui de cette chapelle qu'un emplacement... et une pierre.

Revenons aux ellipses bocagères (ou ellipses parcellaires) car ce sujet permet de mieux appréhender l'évolution de l'occupation de nos territoires. Là aussi, l'archéologie est une source de compréhension et d'interprétation de notre histoire.

Magali Watteau, dans ses travaux d'archéogéographie intitulés "Sous le bocage, le parcellaire" que vous pouvez trouver en version numérique aux Etudes Rurales, cite en exemple le cas de Saint-Brieuc-de-Mauron dans le Morbihan et l'ellipse parcellaire au lieu-dit "la Boulais" et rejoint les travaux de jean-Claude Meuret sur la marche Anjou-Bretagne et d'Elisabeth Zadora-Rio sur la commune de Saint-Martin-du-Fouilloux (Maine-et-Loire) qui démontrent que ces ellipses correspondent à des "formes parcellaires médiévales". Ils soutiennent l'évolution suivante après la période gallo-romaine : "abandon des terres cultivées ==> retour aux friches ==> nouveau défrichements" et postulent des "ruptures paysagères fortes entre l'Antiquité et le Moyen Age." Il n'y aurait donc pas de "continuité entre la protohistoire et les trames bocagères modernes". Le cas de Saint-Brieuc-de-Mauron montre en effet une "discordance entre un aménagement agraire présumé antique et une ellipse bocagère" dont la trace est encore présente sur le cadastre napoléonien.

Alors, en quoi cela fait il avancer les choses pour notre commune et notamment pour la Cour de Launay, nous direz-vous ?

Ce phénomène de défrichement médiéval qui a suivi une période d'abandon des terres cultivées au Haut Moyen Age est un signe de reconquête de l'espace par les populations médiévales pour des raisons que nous ignorons à ce jour (développement démographique, accroissement de la sécurité, reprise en main de territoires abandonnés, développement du pouvoir féodal,...?)

Ellipse parcellaire près du Pont d'Oust - extrait RAP 02284 du SRA

Le fait que nous puissions observer ce phénomène à au moins 3 endroits de la commune des Fougerêts : ci-dessus à l'Auté-Chesnais le long de l'Oust, près du passage du Pont, à proximité de Launay, mais aussi à la Halais et à la Loirie montre qu'il ne s'agit pas un acte isolé mais de l'arrivée d'une nouvelle époque où l'homme reprend la main sur son environnement, reconquiert les espaces et s'impose à nouveau.

Nous espérons que d'autres recherches et d'autres découvertes nous permettront de mieux comprendre cette période trouble et peu documentée qui assure la transition vers le Bas Moyen Âge lors duquel apparaissent pour la première fois des références à la Maison de Launay.

Première occupation du site

Sans sources scientifiques avérées, il est difficile de pouvoir affirmer que le site de Launay était occupé avant la construction du manoir actuel. C'est la raison pour laquelle les recherches en archives mais également les recherches archéologiques demeurent essentielles à la bonne compréhension de l'évolution de ce site historique.

A ce stade, tout laisse à penser que le manoir construit en 1470 a succédé à une occupation antérieure. Pour affirmer ce point, nous nous appuyons sur deux éléments : un témoignage et un document.

Le témoignage du chanoine Jean-Marie Royer

Dans son ouvrage édité en 1998,  "Les Fougerets, Miettes d'Histoire", l'abbé Pierre Royer publiait les notes du chanoine Jean-Marie Royer né à l'Hotel Garel le 13 janvier 1886 et qui écrivait : "... et dans mon enfance, j'ai vu raser celle (ndlr "la motte") qui flanquait la Salle de Launay vers le gué." Une motte castrale se situait donc sur le site de la Cour de Launay. 

Les mottes castrales ont, pour la plupart, été érigées entre le XIème et le XIIIème siècle, notamment dans cette partie de la Bretagne. Selon Anne-Marie Fourteau (SRA-Rennes), lorsque les mottes ont été abandonnées au profit d'un nouveau type d'habitat, elles ont été maintenues afin de montrer l'ancienneté de la noblesse du site. Celle de la maison de Launay aurait donc résisté jusqu'à la fin du XIXème siècle et son souvenir transmis jusqu'à nous par le témoignage du chanoine Royer.

Il est très peu probable que la motte soit restée le logement seigneurial jusqu'au XVème siècle. Ni la motte, ni même sa basse-cour. Un logement intermédiaire aura été construit, dont nous n'avons plus trace actuellement.

Le document E5544/8 du fonds Castellan aux ADM

Nos recherches en archives nous ont permis de prendre connaissance d'un fonds d'archives privées déposé par la famille de Castellan aux Archives départementales du Morbihan, fonds qui était en cours d'inventaire dans le courant de l'année 2017. Avec l'aide précieuse de l'archiviste, nous avons eu accès à un document daté du 14 août 1406 et qui figurait dans les documents de la seigneurie de la Rochegestin en Carentoir, devenue propriété des Castellan, un acte passé devant la Cour de Rieux en Peillac faisant référence au site de Launay en les Foulgerez.

Cet acte que nous avons fait transcrire par Laurence Hervieu (49-Contigné) nous éclaire sur un certain nombre de patronymes et de toponymes et aussi sur le fait que des terres de Launay dépendaient de la Seigneurie de la Rochegestin qui se situe sur le territoire de la Gacilly à la limite nord-est des Fougerêts. Le nom de cette seigneurie très ancienne a été mentionné dès 1328 (RAP 02284 du SRA) et est souvent lié à la Cour de Launay.

Exemple de motte castrale - Fouquières

Si nous n'avons pas de représentation de la motte de la Cour de Launay, le SRA propose ici le relevé de celle de la Rochegestin au lieu-dit évocateur de "Le Chatelier" et qu'il décrit ainsi : "promontoire rocheux surmonté d'une motte, fermé par un fossé (voire peut-être un deuxième ?). Cette motte n'est pas de dimension importante. Très bon état de conservation"

Il s'agit d'un aveu devant la Cour de Rieux de Raoul Gourhaut, paroissien des Fougerêts à Jehan de Canquoet (prés et pâtures, Noés de Launay) dont voici la transcription/

1ère page : C'est un adveu du consortage aux prairies de Launay ès Foulgerez. La Rochegestin

Tenue de Raout Gourhault, des Foulgerés, de certaines pieces de terre en pré. Et a present les tient le sieur de ... a la ...é de Launay.

2ème page : 13 aoust 1406.

Présent par notre cour de Rieux en le bailliage de Peillac, en droit personnellement établi Raoul Gourhaut paroissien des Fougerez ; lequel, de sa bonne volonté et sans contrainte, reconnu et confessa, reconnait et confesse tenir en permanence de Jehan de Canquoet, seigneur de la Rochegestin, les pièces, terres et héritages qui s'ensuivent et comme ils sont clarifiés et marqués en cette lettre.

Premier : demie hommée de pré ou environ, sise en trois pièces. Savoir : les noés des suzeraines Challandieres et des souzeraines Challandieres et en l'Ille Coaeffé, comme icelle hommée de pré aulneyee se partage et vaut à terrage avec Guillaumet de Biller de Launey et avec Guillaume le Vigner et ses consors, et Perrot Guimar, Raoul le Marié. Item, tel droit et action comme celui Raoul Gourhaut et à lui peut et doit appartenir les pâtures du Paboaer des Noés de Launey et du pré de l'Espine qu'elles sont par indivis et à départir entre celui Gourhaut et lesdiz Biller, le Vigner, le Marié, et avec plusieurs autres, et aulneyes comme les prés dessurdiz, dont, sur et par cause desquelles pièces, reconnait ledit Gourhaut devoir et que il doit audit Jehan de Canquoet, le nombre de dous deniers de rente en un an au terme de la mi-août chaque année, et l'obéissance en outre, comme homme pour son seigneur avoir coutume en tel cas, et ce tenir, fournir, bien et loyalement accomplir, sans venir a l'encontre par lui ni par autres en son nom. Et promit et s'obligea et s'oblige icelui Raoul Gourhaut, sur l'obligation des dictes pièces, et le jura tenir par son serment et de son consentement. Et fut condamné ; par nous donné, témoin le sceau établi et duquel l'on use aux contrats de notre dite cour. Fait le XIIIIe jour de aoust l'an mil IIIIc et seix ans (14 août 1406)

Regnaud Mahé. Passé.

Les Montres et Réformations

D'autres références se trouvent dans les Montres et Réformations des feux de l'évêché de Vannes.

L'ouvrage La Noblesse Bretonne aux XVe et XVIe siècles - Réformations et Montres - Evêché de Vannes par M. le Comte R. de LAIGUE, réédité en 2001 aux éditions diffusion Mémoires et document, reprend notamment les copies de la réformation de 1427, 2ème livre (Bibliothèque de M. le Mis de l'Estourbeillon), de la montre du 8 septembre 1464 (id°), de la montre du 21 avril 1477 (Bibliothèque de la Ville de Rennes, Ms. Missirien) et de la réformation de 1513 (Bibliothèque Nationale, Départ. des Manuscrits. Fonds français : N° 22.320 et 18.712).

 

Les sources historiques ci dessus attestent que le site de Launay était déjà habité en 1427 prouvant ainsi qu'une bâtisse existait avant le manoir actuel.

 

1ère référence : Réformation de 1427 (village de Launay)

L'hébergement de Launay entien (1) appartenant es enfens Ollivier le Bilou (2) et ouquel demoure à présent Me Guillaume Leset, Me des écoles dou Pont d'Aoust et les y demourants ont accoustumé à rien poyer (3).

1) ancien : cette annotation de 1427 est en parfaite adéquation avec l'existence d'une motte castrale qui ferait remonter sa création entre le XIème et le XIIIème siècle

2) cf. Jehan le Bisoux - Montre 1474 (note JPC : 1464 ?). Il nous a été rapporté dans le courant de l'année 2017 qu'un terrain dans le hameau de Launay portait pour nom "le Clos Bilou" avant que sa trâce ne s'efface par l'effet du remembrement. Nous tenterons de retrouver sa situation sur le cadastre de 1824.

3) s'ils ne payaient pas l'impôt, cela atteste le statut noble du lieu à cette époque.

 

2ème référence : Montre du 8 septembre 1464

XX livres - Pierre le Marié par Jehan le Bisoux cheval brigandinne, sallade, voulge, espée et dague. Injonction de gantelets et avant bras.

Pierre le Marié, peut-être trop jeune, est représenté par Jehan le Bisoux probablement enfant d'Ollivier cité en 1427.

L'étude des sols des parcelles entourant le manoir de la Cour de Launay pourrait à coup sûr apporter un éclairage salutaire et apporter nombre de réponses aux questions laissées en suspens. 

Afin de ne pas endommager le matériel archéologique qui pourrait s'y trouver, une analyse des sols par géo-radar est envisagée pour l'année 2020. Les fossés de la motte castrale et les traces d'anciennes fondations se révèleraient alors par l'imagerie des sols.

 

 

Carte de Cassini

levée de 1785 à 1787 avec la représentation du site 

Concernant les patronymes repris dans cet acte, plusieurs d'entre eux méritent qu'on s'y arrête à la fois parce qu'ils nous sont familiers mais aussi parce que nous avons des sources à leur sujet.

Jehan de Canquoet : Les Cancouët ont été seigneurs de la Rochegestin pendant des siècles. La Rochegestin est arrivée dans cette famille par mariage de Guillaume de Cancouët et Jeanne de la Roche-Gestin vers 1350. Jehan et Guillaume de Cancouët ont participé au siège de Chantoceaux entre 1419 et 1420 (Cancouët, les origines - Eric Cancouët 1995). A la réformation de 1427, il est noté "l'hébergement de la Rochegestin appartenant à Jehan de Cancoet ..." Il serait décédé en 1442.

Perrot Guimar : mentionné dans la réformation de 1427 pour le "Bourg de Fougeres" (Les Fougerêts) : "Perrot Guimar noble et vat es guerres et mandements de Monseigneur"

Raoul le Marié : nous connaissons des Le Marié mais pas Raoul. Là aussi, la réformation de 1427 nous informe que Perrot le Marié est signalé noble au Pont d'Oust. Raoul était-il son père ?

Regnaud Mahé : Il est le signataire de l'acte. La réformation de 1427 nous dit : "L'hébergement de la Vigne entien appartenant à Regnault Mahé et auquel il demoure noble" et aussi "L'hébergement de la Loulaye à Regnault Mahé ouquel a métairie entienne et exempte".

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